- NOMADISME
- NOMADISMENomadisme et semi-nomadisme ont réalisé, dans l’économie traditionnelle, un mode d’occupation du sol assurant une exploitation minutieuse et très complète de milieux naturels particulièrement défavorables et de faible productivité à l’unité de surface (déserts, hautes montagnes, etc.). Leur déclin, inéluctable dans le monde contemporain, au profit de formes plus rationnelles et n’exigeant que des effectifs humains plus faibles (transhumance, exploitation pastorale extensive autour de points d’eau permanents, notamment) devra s’opérer lentement et progressivement, sans traumatisme humain et avec les transitions nécessaires pour éviter les pertes de cheptel.Les nomades resteront encore, pour plusieurs générations, d’utiles instruments de la mise en valeur de vastes secteurs de la planète.Le nomadisme des prédateursChez les peuples chasseurs, pêcheurs ou collecteurs, le nomadisme est l’expression directe des alternances saisonnières et de la plus ou moins grande richesse du milieu pendant les diverses périodes de l’année. Assez désordonnés dans la sylve équatoriale où les saisons sont peu tranchées (Vedda de Sri Lanka, Pygmées), organisés en fonction des différences de pluviosité dans les zones arides (concentration en saison sèche près des points d’eau, diffusion et dispersion en saison pluvieuse), les déplacements s’établissent dans les zones tempérées en fonction de contrastes thermiques, par exemple chez les Indiens de la grande forêt boréale de l’Amérique du Nord (villages permanents de pêche en été et grandes expéditions de chasse pendant l’hiver). Dans la zone subpolaire, ils prennent généralement une composante sud-nord, hiver dans la forêt (taïga) et été dans la toundra. Chez les pêcheurs arctiques (Esquimaux), l’habitat stable d’hiver (maisons de neige, ou huttes semi-troglodytes), plus ou moins conjugué avec des expéditions lointaines, est de règle. Certains groupes de chasseurs (Indiens des grandes plaines de l’Amérique du Nord) ont calqué leurs migrations sur celles d’animaux qui étaient leur source principale de subsistance (bison). La grande pirogue a de même permis à certains pêcheurs de la côte nord-occidentale de l’Amérique des migrations lointaines, tandis que d’autres ont pu évoluer, par de grands barrages collectifs en milieu très poissonneux, vers plus de stabilité.Le nomadisme pastoral: les pré-BédouinsC’est, en fait, la domestication du bétail qui a fourni pour la première fois la possibilité de réaliser, avec le nomadisme pastoral, un genre de vie mettant pleinement et régulièrement à profit les possibilités des zones arides par des déplacements saisonniers. Entre le Xe et le VIIe millénaire av. J.-C. apparaît dans le Proche-Orient l’utilisation du gros et du petit bétail d’où naîtra une première strate de genres de vie pastoraux.Ces premiers pasteurs des steppes, ignorant encore le cheval et le chameau, et profondément différents des nomades chameliers par leur structure sociale, leurs déplacements, leur économie, peuvent être appelés pré-Bédouins . Utilisant encore fréquemment le bœuf porteur ou l’âne comme bêtes de somme, pratiquant des migrations relativement lentes et à courte distance qui ne les écartent guère des points d’eau permanents, habitant dans des huttes encore peu mobiles à l’exclusion de la tente, organisés en tribus relativement cohérentes qui ne connaissent pas les formes de chefferie belliqueuse et instable développées ultérieurement dans le monde bédouin, ces pré-Bédouins ont été par excellence, jusqu’au Ier millénaire av. J.-C.,les occupants des zones désertiques et de leurs marges subarides dans l’Ancien Monde.Il en subsiste aujourd’hui quelques groupes dans les milieux montagnards, restés imperméables aux nomades arabes et à leurs dromadaires des déserts chauds, au nord de la zone désertique (Kurdes et Lours du Zagros iranien, à bœufs porteurs, par exemple). Chez les Touareg, au cœur du Sahara, on les retrouve dans la couche inférieure, les tribus vassales à troupeaux de chèvres. Mais ils ont été surtout rejetés vers les parties méridionales du grand désert et les zones intertropicales par l’expansion ultérieure du grand nomadisme chamelier. C’est essentiellement dans le milieu géographique déjà plus clément des brousses sahéliennes qu’on les observe aujourd’hui, depuis l’Arabie (Qara du Dhofar) jusqu’à l’Atlantique (Baggara du Soudan, à bœufs porteurs, par exemple).Une partie d’entre eux ont pénétré dans les zones intertropicales où se sont ainsi constituées, malgré l’hostilité d’un environnement peu propice à l’élevage, de grandes tribus nomades pastorales: Peuls d’Afrique occidentale, infiltrés en petits groupes dans toutes les savanes, du Sénégal à l’Oubangui; tribus nilo-hamitiques de la plaine du haut Nil (Dinka, Shilluk, Nuer) ou des hauts plateaux d’Afrique orientale (Turkana, Masai, etc.). Les déplacements s’organisent en fonction des alternances pluviométriques saisonnières du milieu intertropical, avec dispersion en saison des pluies sur les plateaux herbeux, concentration en saison sèche dans les vallées et les plaines alluviales où l’inféroflux entretient les herbages.C’est à partir d’un autre animal, le renne, qu’un genre de vie nomade pastoral s’est développé dans la zone des toundras subpolaires de l’Eurasie. Les conditions de la domestication restent obscures (sans doute au IIIe millénaire avant notre ère, soit avant la dislocation des tribus samoyèdes, chez lesquelles existe un nom unique pour le renne domestique, et après la dernière migration par le détroit de Béring, la domestication étant restée inconnue des peuples de l’Amérique du Nord), et elle s’est probablement effectuée en deux centres distincts, l’un dans la région des monts Saïan, qui a donné naissance aux élevages samoyède et lapon, un autre, plus à l’est, qui aboutit aux élevages toungouz et paléoasiate (Tchouktchi et Koriak de l’Asie du Nord-Est).Les migrations s’organisent normalement du sud au nord, avec hivernage dans la zone de la forêt et estivage dans la zone de la toundra, conformément aux déplacements naturels du renne sauvage, ou encore, dans les régions montagneuses de la Scandinavie du Nord (Lapons de montagne), en fonction des contrastes d’altitude, avec estivage sur les hauts alpages (mais les types d’utilisation de l’animal sont très hétérogènes). La forme de nomadisme pastoral la plus complète, influencée certainement par les techniques scandinaves de la traite et comportant l’utilisation du lait, se rencontre chez les Lapons, où elle se traduisait traditionnellement par des migrations de toute la famille à la suite des troupeaux. Chez les Samoyèdes et les Paléoasiates, qui ignorent la traite, le groupe humain se dissocie beaucoup plus facilement du troupeau. Les Toungouz, enfin, restés essentiellement chasseurs, n’ont qu’un petit nombre de rennes près de leurs habitations, et organisent davantage leurs déplacements en fonction de la poursuite des petits animaux à fourrure.Le grand nomadisme pastoral de type bédouinGenèseC’est à partir de la domestication du cheval et du dromadaire qu’a pu se constituer à une grande échelle, dans les déserts et steppes de l’Ancien Monde, un nomadisme pastoral agressif, fondé sur la razzia et l’affrontement belliqueux avec les sédentaires voisins, et comportant, en outre, des migrations à longue distance et des déplacements rapides. On peut le qualifier de nomadisme de type bédouin (du terme Badw employé dans le désert arabe). Le cheval, domestiqué dans les steppes continentales de l’Eurasie au IIIe millénaire av. J.-C., sera attelé au char de combat, puis monté, au IIe millénaire av. J.-C. dans le Proche-Orient.Le dromadaire a sans doute été domestiqué en Arabie méridionale dans le courant du IIe millénaire av. J.-C., ou, du moins, c’est à cette époque qu’a été rendu possible le contrôle effectif de l’animal par l’adoption d’un système de monte sur la bosse, complété ensuite par la selle à arçons, succédant aux premiers essais de monte sur la croupe (avec selle-coussin). C’est de là qu’il pénètre en Égypte (VIe s. av. J.-C.) et en Afrique du Nord (Ier s. av. J.-C.), dans l’Inde du Nord-Ouest (IVe-IIIe s. av. J.-C.) et jusque dans le Turkestan chinois (Ve s. apr. J.-C.). Alors que le chameau de Bactriane, domestiqué dès le IIIe millénaire en Eurasie, reste un animal de caravanes lentes, le grand nomadisme pastoral va suivre à très peu de distance l’utilisation du cheval et du dromadaire comme montures.Ce nouveau genre de vie se généralise au Ier millénaire av. J.-C. de l’Asie centrale au Sahara, qu’il recouvrira peu à peu. Les effectifs humains sont fournis, en grande partie, par un mécanisme de refoulement à partir des centres agricoles périphériques. Pré-Bédouins des steppes de l’Afrique du Nord, ainsi rejetés dans le Sahara par la colonisation romaine au Ier siècle apr. J.-C., ou «Barbares de l’Ouest», repoussés en Asie centrale par le premier empire chinois organisé, vont ainsi s’enfoncer dans le milieu ingrat du désert, qu’ils n’auraient sans doute pas choisi de leur plein gré. Le parasitisme aux dépens des caravanes fournira également de bonne heure, dans le Proche-Orient ou le Sahara, de fructueuses occasions de rapines. Dans les steppes continentales plus riches de l’Eurasie, des motivations purement économiques entrèrent peut-être également en ligne de compte; ainsi, les familles possédant de nombreux troupeaux développèrent des migrations pastorales à partir du moment où l’élevage devint une forme de production spécialisée.TypesC’est en fonction des variétés du milieu que peut s’établir une classification des formes de nomadisme. Dans le centre des déserts domine un nomadisme à migrations apériodiques, à déplacements sans rythmes précis, correspondant aux régions où les pluies sont elles-mêmes irrégulières. Le mécanisme de base en est la concentration autour des puits en saison sèche, avec dispersion beaucoup plus large après les pluies qui peuvent survenir. Les secteurs d’attraction maximale sont les grands massifs dunaires – ergs du Sahara ou d’Arabie –, où un tapis de graminées éphémères pousse très vite après les moindres pluies.Les régions rocheuses sont beaucoup moins attirantes. Les déplacements s’y organisent essentiellement dans les régions de modelé accusé à réseau hydrographique fossile, le long des vallées sèches où un inféroflux provoque la présence de points d’eau temporaires ou permanents (type des Touareg du Hoggar). Des déplacements apériodiques existent, d’autre part, dans des régions où les pâturages sont beaucoup plus abondants, dans les bordures désertiques, où on n’assiste qu’à de courts déplacements irréguliers, dans une orbite circulaire ou elliptique de quelques dizaines de kilomètres de diamètre. Il s’agit généralement alors de formes de régression, évoluant vers le semi-nomadisme.La forme normale, en revanche, est celle où l’existence est fondée sur des migrations saisonnières, sur le balancement régulier entre secteurs de possibilités différentes. Il en existe deux variétés fondamentales.– On peut chercher dans l’ampleur des déplacements la possibilité d’utiliser des contrastes climatiques suffisants. Ce sont les nomades de la bordure des déserts, passant la partie la plus favorable de l’année dans une région vraiment désertique, et allant passer la saison sèche dans des zones plus favorisées. Ils sont très largement représentés sur les deux bordures, nord et sud, de la zone désertique de l’Ancien Monde. Dans les zones intertropicales, les nomades passent ainsi l’été (saison des pluies) au désert et descendant vers le sud en hiver. Au nord du Sahara, dans les zones subtropicales méditerranéennes, ils passent l’hiver au désert et remontent l’été vers le nord.– On peut chercher les contrastes nécessaires dans l’utilisation, aux différentes saisons, d’étages d’altitude superposés, mais relativement proches. Ce nomadisme montagnard, où l’on va passer l’été dans des zones plus fraîches, qui conservent mieux l’herbe, tend à prédominer à mesure qu’on se rapproche de l’Asie centrale et que s’accroissent les froids d’hiver qui chassent les nomades vers les plaines. En revanche, il n’est pratiquement pas représenté sur la bordure sud de la zone désertique tropicale.Économie, population, sociétéLe nomadisme pastoral constitue un genre de vie de haute productivité économique, doué d’un dynamisme démographique remarquable et d’une grande capacité d’expansion, auxquels correspondent des mécanismes sociaux appropriés.Sur le plan économique, en effet, la subsistance d’un groupe nomade à partir de l’élevage seul est très difficile, dans les conditions d’aridité les plus dures du désert tropical, et ne devient réellement possible que dans le désert atténué de type mauritanien; le nomadisme pastoral assure, en revanche, en milieu cultivable de type méditerranéen à pluies d’hiver et, à plus forte raison, en milieu steppique marginal à pluies d’été, dans des conditions de parcours libre, un revenu très supérieur à celui des occupations agricoles et une productivité plus élevée par unité de travail humain. Il permet un niveau de vie largement supérieur à celui de la population agricole sédentaire, à condition que le nombre des parties prenantes soit évidemment limité par des mécanismes de régulation démographique et sociale.Ces mécanismes sont d’autant plus nécessaires que les nomades ont toujours joui d’une démographie particulièrement vigoureuse. La salubrité du désert, la dissémination des nomades qui leur épargnait, dans la situation traditionnelle, les grandes épidémies meurtrières, leur ont assuré une supériorité démographique manifeste sur les sédentaires voisins. Un excédent constant en hommes, tout au long de l’histoire, a toujours caractérisé la société nomade. Or, face à cette pression démographique constante, les ressources sont réduites. Plus productif que l’agriculture à travail humain égal, le nomadisme pastoral exige des surfaces considérables et ne permet que des densités humaines limitées (env. 1 hab./km2, dans le milieu relativement favorable de la Mongolie, peut-être 3 ou 4, au plus, en milieu montagnard méditerranéen, comme le Zagros iranien qui représente un optimum).Dans ces conditions, la société nomade a dû s’organiser en fonction d’un état de crise permanente, d’un déséquilibre toujours menaçant entre les ressources du pâturage et une population rapidement croissante. C’est l’explication fondamentale de son agressivité.Celle-ci se manifeste d’abord à l’intérieur de la société nomade elle-même. Les Bédouins sont en lutte perpétuelle entre eux. Il s’agit d’une société éminemment instable, qui se remodèle constamment en fonction des ressources disponibles et du nombre des parties prenantes par des mécanismes de redistribution du bétail (razzia ) et des hommes (tribus extrêmement instables et éphémères, groupées en fonction du dynamisme individuel des chefs, et dissimulant leur hétérogénéité sous des généalogies patrilinéaires orgueilleusement affirmées). Cette société est essentiellement virile, fondée sur des liens agnatiques. Elle exprime par toutes ses structures la saturation du milieu géographique, avec la concurrence vitale qui en découle.Extension géographiqueIl existe une autre réponse à l’excédent humain permanent des nomades: c’est l’expansion aux dépens des sociétés sédentaires voisines. Elle a conduit le nomadisme pastoral à s’étendre géographiquement très au-delà des steppes et déserts qui constituent son domaine propre, soit par infiltrations lentes, continues, au sein des sociétés paysannes, soit par invasions brutales, qui peuvent résulter du dynamisme personnel de chefs prestigieux (Gengis-khan), correspondre à des phases de dessèchement du milieu désertique, ou exprimer, après la fin d’un premier cycle de conquêtes nomades, l’affranchissement des tribus demeurées dans le désert à l’égard de la dynastie sédentarisée. Dans leur progression, les nomades assimilent des nombreuses populations paysannes, qui, dans le contexte d’insécurité ainsi créé, à la suite de la destruction de leurs villages ou de leurs travaux d’irrigation, passent au nomadisme.La limite atteinte par cette expansion dépasse nettement celle de la culture pluviale des céréales qui traduit la frontière naturelle du nomadisme. Sur la bordure sud du Sahara, l’avancée des pasteurs a été limitée, par les trypanosomiases du bétail, aux régions de savane, et a trouvé ses bornes dans la grande forêt. Sur la bordure nord, il faut distinguer deux cas; dans le monde arabe, les frontières ont été constituées par des massifs montagneux, servant de refuges (Haut Atlas marocain et Aurès en Afrique du Nord, Liban et Djebel Ansarieh dans le Proche-Orient), imperméables aux dromadaires, animaux de déserts chauds, et qui ont vu se développer d’importantes accumulations de populations. Dans le monde turc, la «bédouinisation» des montagnes, grâce au chameau de Bactriane, adapté aux climats froids, a été au contraire intense (Taurus, Zagros), et l’expansion des nomades s’est arrêtée aux forêts humides et insalubres de basses terres (forêt caspienne, forêt pontique). La zone d’équilibre des forces se situe, dans tous les cas, bien au-delà de la limite naturelle du nomadisme.Évolution du nomadisme pastoralLa fixation des nomadesAujourd’hui le nomadisme connaît, en revanche, une phase de recul et de régression. La sécurité revenue, la pacification du désert entraînent une dégradation de la situation sociale des nomades et, par voie de conséquence, de leur situation matérielle. Les esclaves se sont affranchis. Les razzias ne sont plus tolérées.De plus, le déclin du commerce caravanier supprime des ressources. Les nomades se rapprochent des oasis ou des régions cultivables, et n’estiment plus déchoir en se consacrant à des activités agricoles.À ces causes spontanées de déclin vient s’ajouter une volonté systématique des États sédentaires, aujourd’hui détenteurs de l’autorité, qui, notamment dans le Proche-Orient, voient dans le nomadisme un système humain périmé et voué à la disparition, même dans le désert. La fixation des nomades apparaît ainsi l’expression d’une revanche des citadins que la crainte des Bédouins avait longtemps confinés dans leurs murailles.Les modalités de cette sédentarisation sont fort variées. Des mécanismes spontanés – fixation par appauvrissement de nomades ayant perdu leur cheptel ou par enrichissement de nomades disposant d’un excédent de bétail et achetant de la terre – ont alimenté, au cours des siècles, un courant permanent. La fixation peut être soit collective, sur initiative seigneuriale ou sous la pression administrative, soit individuelle, par infiltration dans la société sédentaire, généralement au niveau social le plus bas, de nomades détribalisés.Ces processus jouent, avec une intensité très inégale, en fonction des conditions économiques et sociales locales, ainsi que de la politique des États. Le nomadisme pastoral est ainsi encore en progrès, en valeur numérique absolue sinon en valeur relative, sur toute la bordure méridionale du Sahara, de l’Atlantique à la mer Rouge. Le recul est, en revanche, rapide sur toute la bordure septentrionale, de l’Afrique du Nord au Proche-Orient et à l’Asie centrale, à l’exception de l’Afghanistan où la politique de la monarchie afghane, qui est l’expression des tribus nomades, les a favorisées jusqu’à une date récente et leur a largement ouvert depuis trois quarts de siècle les montagnes centrales du pays.Le semi-nomadismeEn fait, cette évolution doit rester prudente. Le nomadisme montagnard de l’Asie sud-occidentale, en pays pourtant propice à l’agriculture pluviale, constitue cependant, dans le système agricole actuel, en l’absence de support fourrager permettant une vie pastorale stabilisée de type alpestre, le seul mode d’utilisation possible de toute la gamme des pâturages. On a pu montrer, dans le cas de l’Iran, que la fixation immédiate de tous les nomades du pays entraînerait un manque à gagner de l’ordre de 10 p. 100 du revenu agricole global. L’évolution doit être lente et passer autant que possible par l’intermédiaire du semi-nomadisme.Ce genre de vie suppose l’existence d’habitations permanentes et d’une occupation non exclusivement pastorale à laquelle est consacrée une période définie de l’année. Au désert, les cultures de céréales dans les fonds d’oueds ou de dépressions et la possession des palmeraies attirent, à dates fixes, les nomades. Mais c’est surtout une évolution caractéristique des steppes marginales, où existent, calqués sur le nomadisme à grandes oscillations saisonnières, des semi-nomades à hivernage dans la zone désertique, ou à estivage en zone cultivable, selon l’emplacement de l’établissement fixe. On définit de même des variétés montagnardes: le semi-nomadisme direct et le semi-nomadisme inverse (habitats fixes respectivement dans les séjours d’hiver et d’été); il peut même exister des villages doubles, avec migrations multiples en fonction des nécessités des calendriers agricoles.Une très grande complexité de formes de régression, par diminution de la durée de la migration, rétrécissement des parcours ou diminution des effectifs migrants, assure toutes les transitions vers la sédentarisation complète. Les possibilités d’adaptation du semi-nomadisme à toutes les nuances des conditions naturelles, économiques ou sociales en font un processus beaucoup moins traumatisant qu’une fixation immédiate et inconsidérée: il représente la voie la plus satisfaisante d’évolution du nomadisme pastoral.• 1845; de nomade♦ Genre de vie des nomades. Le nomadisme au Sahara.♢ Par ext. Vie nomade, faite de déplacements continuels.nomadismen. m. Genre de vie d'un groupe humain que la nature de ses activités contraint à des déplacements saisonniers ou étendus sur un certain nombre d'années. Nomadisme de cueillette, de pêche, de chasse. Nomadisme pastoral.⇒NOMADISME, subst. masc.A. —[En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] Tendance à l'instabilité d'habitat et aux déplacements par nécessité de se procurer des moyens de subsistance; genre de vie du nomade. Anton. sédentarisation. Nomadisme pastoral. La vie pastorale, toujours si développée dans cette zone, implique un nomadisme qui la fait, il est vrai, généralement considérer comme un genre de vie inférieur (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.212). Des pensées de nomadisme, de faiblesse devant les éléments, mais, d'abord, le respect de la tribu et la nécessité de se reproduire (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.151).— En partic., mod. (dans la civilisation industrielle). Obligation pour des personnes, ou pour des groupes, de déplacements répétés dus à une instabilité de l'emploi parfois en raison de la nature même de cet emploi, par exemple le travail sur chantiers. Rançon enfin de la longue condition sous-prolétarienne: le «nomadisme» de l'emploi. On est enclin à passer d'une entreprise à l'autre (Le Point, 5 déc. 1977, p.100, col.2).B. —[En parlant du comportement social d'une pers.] Tendance comportementale à ne pas se fixer dans le domaine intellectuel ou social et à manifester des goûts divers et successifs sans s'attacher à aucun. Synon. vagabondage. Soulève le monde, cher ami, et que je sois ton point d'appui. Moi, je commence à tenter de débaucher la jeunesse en lui prêchant le nomadisme, je vais voir ce que cela donnera chez Camille Mauclair et les Belges (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1895, p.254). Il voulait d'abord faire une thèse sur Éluard, se baladait toujours avec un livre de Breton sous le bras, puis il a finalement opté pour le «nomadisme intellectuel» (Le Nouvel Observateur, 9 août 1980, p.55, col.1).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1. 1845 «genre de vie des nomades» (RICHARD, p.437); 2. 1895 «vie, caractère d'une personne qui se déplace, voyage constamment» accès collectif de nomadisme (GIDE, loc. cit.). Dér. de nomade; suff. -isme.
nomadisme [nɔmadism] n. m.ÉTYM. 1845; de nomade.❖1 Genre de vie des nomades. || Le nomadisme au Sahara.1 Dans l'Afrique du Nord le nomadisme doit bien son origine (…) à l'activité pastorale : les migrations régulières et périodiques sont bien une conséquence de la nécessité de trouver la pâture pour les troupeaux qui constituent la richesse d'une tribu. Mais d'autres facteurs, accessoires peut-être, n'auraient-ils pas joué leur rôle dans l'extension de certaines formes du nomadisme ? On sait que le nomade, s'il est un pasteur, est aussi un grand commerçant, et que les grandes caravanes de chameaux qui vont du Sahara au Tell et vice versa sont les grands véhicules qui transportent la datte du Sud au Nord et les céréales du Nord au Sud. On sait encore que nomade est facilement synonyme de pillard (…)Jean Brunhes, la Géographie humaine, t. I, p. 406.♦ Mode de vie des animaux qui se déplacent sans revenir de façon périodique aux mêmes endroits.2 Par ext. Vie nomade, faite de déplacements continuels.2 (…) on sait le terrible nomadisme de ces manœuvres qui, de ville en ville (…) s'en vont cherchant à gagner leur pain. Les bases éternelles de l'homme, famille, patrie, quel sens ont-elles pour eux ?Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 150.
Encyclopédie Universelle. 2012.